Place d'appel


Place d’appel, derrière 
les blocks, au second plan, et à gauche, sur la maquette ci-contre.
Les deux grands blocks en briques encadraient des blocks en bois.


maquette


Maquette

block en briques

block en briques de l’entrée ; à gauche, la place d’appel ; devant matérialisation au sol des baraques en bois, aujourd’hui disparues.

Port de la briqueterie

Le port de la briqueterie ; à droite, le canal creusé par les détenus.

RETOUR "LES VOIX DU SOUVENIR"


RETOUR "Autres témoignages de Robert Pinçon"

Sur la place d’appel, Robert Pinçon raconte son arrivée au camp.

Ecoute de l'enregistrement


Transcription


Vous avez ici l’entrée que vous venez de franchir - bien sûr, c’était pas ça, mais c’est symbolique -, c’était deux battants de porte, des portes en bois comme des portes de poulailler ( vous les verrez d’ailleurs à l’intérieur de l’exposition, du moins un battant, on ne sait pas où est passé l’autre…). Ces portes, y avait une chicane…Y avait deux séries de portes, une ici, et une juste avant le pont.[…]

Vous êtes, en ce moment, sur la place d’appel qui était là, qui a été reconstituée à l’identique ; quand on a fait l’inauguration, je suis arrivé là, c’était vraiment… j’me suis retrouvé sur la place d’appel…

Cette route là que vous voyez ( sur la photo, devant la place d’appel), elle existait mais elle a été refaite ; elle existait tout le long des baraques qui étaient à droite ; à droite, c’était les Reviers ; Revier 1, dans le fond là-bas, 2 et 3.

Les deux grands bâtiments que vous voyez ont été construits par les déportés ; tout a été construit par les déportés... Celui du fond a été le premier construit et le dernier, quand nous sommes arrivés, fin juillet 44, il était terminé, au moins la structure mais, à l’intérieur, en dessous, y avait des caves et on nous a mis dans les caves…Autant dire que, quand les wagons nous crachaient, on nous mettait dans les caves ; on était là-dedans pas loin de 1500 hommes…On était dans ces caves avec de l’eau jusqu’au cou, y avait pas moyen de s’asseoir, y avait pas de toilettes…Quand on nous a évacués, vous pouvez imaginer ce que ça pouvait être…

On nous sortait par groupe de cent ; on nous mettait sur la place d’appel et on nous expliquait qu’on était dans un camp de concentration, qu’on allait travailler, et qu’on était entrés par cette porte, mais, qu’on allait sortir par la cheminée du crématoire !…On en est sortis quand même…Et alors, ça c’est un souvenir personnel, lorsqu’on a quitté le camp, à la fin, pour l’évacuation, on nous a faits passer sur le chemin qui longeait ici et on a été directement à la gare par l'intérieur du camp.

Lorsqu’on est arrivés, notre groupe de 1500, on était peu vêtus, nos vêtements avaient été emballés dans le train à Compiègne ; tous les ballots de vêtements, qu’on avait faits nous-mêmes, étaient alignés sur un petit chemin qu’il y avait ici jusqu’au croisement où il y a un saule pleureur (qui est magnifique maintenant mais qui, à l’époque, était une simple tige) ; y avait quelques poissons rouges dans le bas, un p’tit bassin avec des poissons rouges. Là, on a choisi nos vêtements ; on a remis nos vêtements ; on est passés aux baraques, là, pour aller aux douches ; on nous a fait enlever nos vêtements, pour de bon c’coup-là…on les a pas revus.

Les douches étaient dans le fond, là-bas ; on entrait dans les douches ; bien sûr, rasage complet du corps, sauf les sourcils…C’est tout ce qu’on a conservé d’origine…Puis, alors après, en sortant des douches, on passait par une petite porte et on recevait, venant de gauche et de droite, une veste, un pantalon et une paire de claquettes;  c'était pas à votre taille ! C’était arrivé comme cela… C’est après, avant qu’on nous mette des numéros, qu’on a réussi à échanger ; chacun essayait de s’habiller à sa taille ; avec le collègue qui était à côté qui était petit, on échangeait un petit contre un grand, etc…

Après, on nous a inscrits sur un registre – oh, c’était bien tenu ; y avait de bonnes archives, perdues malheureusement – ; on nous a inscrits et on nous a mis un numéro autour du cou qui correspondait au numéro de matricule qui nous était donné sur le registre :c’était un cordon avec une plaque en zinc sur lequel étaient estampés, à l’emporte-pièce, les numéros.

D’après ces numéros-là, on allait passer chez le tailleur justement, non pas pour s’habiller mais pour coudre sur les vêtements qui nous avaient été donnés, les numéros de matricule, sur la poitrine et sur le pantalon.

- On vous les cousait ? – …On nous les cousait, autrement on y s’rait encore !

Et après, on allait aux blocks, les blocks qui nous étaient réservés, les blocks de quarantaine. C’était le baptême et je me suis trouvé, moi, dans un block où les châlits n’étaient pas en bois ; ils avaient fait une expérience avec des châlits métalliques dans mon block…Mais, comme on était chargés, on était au moins deux, deux ou trois par lit, trois quelquefois…ma foi, sous le poids, les tiges métalliques se sont écrasées et tout s’est écroulé ! Il y a quand même eu des blessés là aussi, déjà…

Après, le matin, on nous a sortis des blocks, on nous triés, puis on est partis, cinq par cinq, par la porte du fond là-bas entre la cuisine ( qui était ici et qui sera marquée au sol) et un bâtiment qui était au bout de la place d’appel ; il y avait sur cette place un passage… nous, on est passés à gauche, c’est à dire vers le port, vers la briqueterie et le port.

Fallait passer devant le poste de garde ; fallait, bien entendu, marcher au pas cinq par cinq, les mains collées au corps. Pourquoi collées au corps ? Et bien, tout simplement, ça permettait de vérifier que tout le monde marchait bien au pas, car, quand on est à contre-pas et qu’on a les mains au corps, le corps balance…S’il y en avait un qui balançait dans le mauvais sens : on le sortait et on lui apprenait à marcher au pas !

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