Jean Mével de Lanvéoc ( Finistère )







Neuengamme

Vendredi 18 mai 2007

Sur la place d’appel,

puis du block en briques de l’entrée

vers le block en briques du fond.

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Il raconte son arrivée au camp ; il était âgé de quinze ans, encore un enfant… Pendant le voyage, de Compiègne à Neuengamme, il était resté sous la protection des hommes plus âgés. Arrivé au camp, il se retrouve seul, découvrant, avec horreur, l’univers concentrationnaire


Ecoute de l'enregistrement

 

Transcription

… On était à peu près 1200, 1300, venant de Compiègne, en juillet 44. Nous avons débarqué là, à la gare. En quittant Compiègne, nous avons été mis en tenue légère : en slip, en tricot de peau et pieds nus. Nos affaires étaient stockées dans un wagon.

Arrivés à Neuengamme, on est descendus sous les coups des SS, des Kapos et des chiens.

On est rentrés ; on nous a parqués, ici, sur la place d’appel.


place d'appel

La place d’appel – A l’arrière plan, matérialisation des baraques

entre les deux blocks en briques.


place d'appel et blocks

A l’arrière plan, le block d’entrée en briques
et devant, l’emplacement des blocks en bois ;
il y a deux blocks par rangée.


Nous étions juste arrivés, on nous a remis nos vêtements ; ça a duré trois quarts d’heure ; ensuite, on nous a emmenés pour se retrouver dans une baraque où l’ on s’est déshabillés ; on a été douchés et on a été rasés. On a plus vu nos vêtements; peu de temps après, on nous a distribué des vêtements : pantalon, veste, chemise et une paire de claquettes. Moi, je me rappelle, on aurait dit un clown !…A faire peur, à faire peur…Donc, on était habillés misérablement.

Plus tard, on nous a donné un matricule qui était cousu sur la veste et sur le pantalon. Le mien, c’était 39 – 788, 39788.

Quelque temps après, on nous a envoyés aux blocks. J’étais affecté au block 11, ici…pendant le mois d’août. Là, on nous a donné une soupe le soir et, pour dormir, y avait deux châlits de deux ou trois étages, accouplés : ça faisait deux lits dans lesquels nous étions cinq à coucher. On était allongés, comme des sardines dans une boîte quoi, tête-bêche.

Le lendemain matin, c’était l’appel, c’était le contre-appel, c’était un peu tout… et ils se sont mis à nous faire apprendre notre matricule en Allemand, puisque le nom, dès qu’on avait mis les pieds à Neuengamme…on avait plus de nom, mais un matricule !

Alors, y avait un Allemand qui disait le matricule en Allemand, un interprète - un Français -, et il fallait l’apprendre. Au début, ça allait bien, tout le monde prenait ça à la rigolade…mais au bout d’une heure ou deux, celui qui ne comprenait pas, ben il recevait la schlague !  On appelait le numéro ; le mien, c’était neununddreißig siebenhundertachtundachtzig ; si on entendait de trop, on récupérait la personne et elle était « schlaguée » de cinq ou dix coups de schlague… et ce jour là, comment qu’on a appris notre matricule !

Ensuite, on nous appris à marcher au pas, les claquettes ; c’était les bras tendus le long du corps et, alors, c’était «Eins, Zwei », «Eins, Zwei » !…comme ça, toute la journée…pour nous occuper sans doute, pour nous abêtir…

[ phrase coupée, en partie inaudible à cause du vent]


Toutes les nuits, y avait des alertes ; alors, il y avait « Voralert », la sirène avant l’alerte, « Alarm », et « Großalarm » ; nous, on était réveillés à « Voralert », c’est à dire un peu avant l’alerte et ça durait, peut-être, une heure et à « Großalarm » - comme ils appelaient - quand les avions étaient au dessus de Hambourg, on courait tous, comme des sauvages…On était cinq cents à six cents dans les blocks, parce que là, il fallait voir que, sur cette rangée, il y avait deux blocks : le block 11 et derrière, le block 12 ; ça faisait : 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 14 blocks plus les autres qui étaient dans les grands blocks de briques… et on se retrouvait 1000, 1500, 1600 bonshommes dans les caves du block de l’entrée… une pagaille immense, immense…et tout cela sous les coups de schlague et dans la nuit complète, dans la nuit complète…Et, on passait des heures tant que l’alerte durait sur Hambourg, on restait là quoi !

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