La visite du camp avait été un moment fort du pèlerinage, nous étions loin de penser que la cérémonie qui allait se dérouler ce samedi 19 mai allait réellement être le point culminant de ce voyage de mémoire .
En effet, la cérémonie organisée par l’Amicale Internationale et les autorités de la ville libre et hanséatique de Hambourg marquait l’inauguration de la reconstitution d’une glaisière sur les terrains de l’ancienne prison qui souillait encore le site de Neuengamme.
Pendant cette cérémonie organisée dans la “Klinkerwerk” – la briqueterie –, nous pouvions mesurer la fierté des anciens déportés et des familles d’avoir réussi, après tant d’années de mobilisation, à définitivement libérer ce lieu où ils avaient tant souffert. Ils l’ont libéré de la présence carcérale, inimaginable sur des terrains marqués par l’univers concentrationnaire. On ne peut pas rester insensible de toute manière aux discours de Robert Pinçon ou de Mélanie Klaric, jeune femme engagée dans les activités pédagogiques de la Gedenkstätte, qui sont des appels à la mémoire, mais une mémoire dénuée de toute récupération politique qui aurait une visée de relativisation historique. On ne peut pas non plus rester de marbre en écoutant debout les chants comme le “chant des Marais” ou le “chant des Partisans”, chantés par un chœur de Hambourg dans un silence religieux. Après la cérémonie, les dépôts de fleurs devant le Mémorial international n’ont plus la même signification : on voit aussi la vision internationale du souvenir, des Allemands, des Français, des Belges, des Polonais… C’est comme si, en déposant ces fleurs, on faisait le serment de ne plus commettre les horreurs du passé.
Le repas fut un moment plus serein pour rencontrer les participants de la cérémonie, mais ces deux heures ont semblé ridiculement courtes et il aurait été illusoire de vouloir parler avec tout le monde : le car nous attendait déjà pour aller à Lübeck.
Sur la route, la dernière cérémonie commémorative eut lieu à Kaltenkirchen, à 25 kilomètres de Hambourg, où un groupe de bénévoles a exhumé le site d’un kommando et l’a transformé en mémorial musée où l’on explique non seulement l’enfer du Kommando, mais aussi la montée du Nazisme dans la petite ville bien pensante de Kaltenkirchen où le NSDAP a pu faire près de 70% des voix en 1932! On peut mesurer la puissance critique du travail de ces citoyens allemands qui ne se sont pas contentés d’une approche nationale du nazisme, mais ont cherché à démonter ses mécanismes à l’échelle locale de la montée d’Hitler au pouvoir jusqu’à la création du kommando à la fin de l’été 44 pour prolonger les pistes de l’aérodrome militaire; ceci oblige les visiteurs à un véritable travail de réflexion et de remise en cause. Le taux de mortalité dans ce camp qui comptait de 500 à 1000 détenus – soviétiques en majorité mais aussi Polonais, Français, Belges, Néerlandais, Allemands…- était extrêmement élevé.
Ce sont les écoles de Kaltenkirchen et des environs qui, à tour de rôle, s’occupent de l’entretien du site commémoratif. Une fois signé le “Livre d’or” de cette exposition, tournée autant vers l’histoire que vers la mémoire, nous repartîmes vers Lübeck.
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Sur ces galets, des écoliers ont écrit le nom de déportés morts à Kaltenkirchen