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Groupe de travail de Neuengamme, intervention de Mélanie Klaric


Cher Monsieur Robert Pinçon, chers invités de Belgique, du Danemark, de France, des Pays-Bas, de Slovénie, de Pologne, de République Tchèque et de Hongrie,

Madame von Welck et Monsieur Schäffer, représentants de la ville de Hambourg et de l’Etat allemand,

chers amis,


Je m’ adresse à vous aujourd’hui en tant que représentante de la Arbeitsgemeinschaft Neuengamme ( groupe de travail de Neuengamme) qui a été fondé à l’origine pour réprésenter les anciens détenus du Camp de Neuengamme. Mais je vous parle aussi en tant que personne engagée depuis plus de six ans dans les activités pédagogiques de la Gedenkstätte. Entre temps, beaucoup de choses ont changé. Comme mes collègues, j’ai accompagné plus de cent groupes de visiteurs sur les lieux et j’ai partagé leur indignation, leur colère et leur tristesse en trouvant ici des établissements pénitentiaires et non le digne site commémoratif qu’ils s’attendaient à trouver.


Mais nous savons tous que la dignité ne va pas de soi, elle est le résultat de combats. Aujourd’hui, nous nous sommes réunis ici dans ce lieu qui a été conquis de hautes luttes, mais des luttes qui ne sont pas terminées. Nous nous réunissons aujourd’hui dans la KZ-Gedenkstätte Neuengamme; ce n’est pas un endroit à part, nous nous trouvons en plein cœur des débats allemands sur le passé nazi. Ce passé aussi est un sujet de combats. Et, plus que jamais, c’est aujourd’hui que se décide la manière dont on parlera, demain, du national-socialisme.


Avec colère, nous remarquons qu’il devient de plus en plus facile, de nos jours, de relativiser le national-socialisme et de se servir politiquement des soi-disantes leçons qu’on en a tirées. Nous nous rappelons tous le discours du ministre-président du Bade-Wurtemberg, Günther Oettinger, lors de l’enterrement de l’un de ses prédécesseurs, Hans Filbinger, dans lequel il feint d’ ignorer les crimes nazis commis par celui-ci et tente même de le placer au nombre des résistants au régime nazi !

Nous nous souvenons de Jörg Schönbohm, le ministre de l’intérieur du Brandebourg, qui, lors d’une cérémonie commémorative des survivants du camp de Sachsenhausen, les met en parallèle avec les victimes des camps soviétiques.

Toutes ces personnalités politiques sont toujours en place ; elles représentent un Etat qui se sert du national-socialisme selon ses intérêts. Nous nous rappelons tous comment la mission de la Bundeswehr ( l’armée allemande) au Kosovo a été légitimée par les soi-disantes leçons tirées du national-socialisme.

Aujourd’hui, nous nous sommes réunis ici et nous voulons commémorer. Mais, en tout premier lieu, ce sont des survivants du camp de Neuengamme et des familles des personnes assassinées ici qui ont lutté inlassablement pour que ce lieu devienne la Gedenkstätte. A la lutte pour survivre dans les camps a suivi, trop souvent, la lutte pour la dignité, la lutte pour la réhabilitation et, comme si cela ne suffisait pas déjà, il a encore fallu lutter pour accéder à ces lieux – les lieux de leur souffrance – et y avoir le droit de commémorer. Ils ont lutter contre l’oubli, contre la minimisation, contre le silence et le mépris.


Je voudrais, et j’ai du mal à trouver les mots appropriés, exprimer ma profonde et sincère reconnaissance envers ceux qui ont souffert dans ce camp et qui, pourtant, sont ici aujourd’hui. Sans leurs luttes, sans leurs insistances, sans leur courage, leur force et finalement, leur amitié, nous ne serions pas ici aujourd’hui. Votre disposition à témoigner et à discuter est la raison pour laquelle nous avons une Gedenkstätte digne de ce nom.

Malheureusement, ce moment est venu si tard que, beaucoup de ceux qui devaient célébrer cela aujourd’hui avec nous, ne sont plus là, soit parce qu’ils n’ont pas pu faire le voyage jusqu’ici, soit parce qu’ils ne sont plus parmi nous.


Nous célébrons aujourd’hui cette KZ-Gedenstätte. Nous en avons besoin en tant que lieu d’enseignement politique et historique, en tant que lieu d’engagement contre toute relativisation et instrumentalisation et surtout en tant que lieu réservé exclusivement à la mémoire des victimes et des survivants des meurtres nazis.


Je vous remercie de votre attention.


Mélanie Klaric, samedi 19 mai 2007

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